Le château de Malmaison entre dans la dernière phase de sa restauration, cette demeure emblématique voit ses travaux se dérouler en site occupé.
Situé aux portes de Paris, le château de Malmaison est un témoin exceptionnel de l’histoire napoléonienne. Acquis par Joséphine Bonaparte en 1799, il fut non seulement la résidence du Premier consul et de son épouse, mais aussi l’un des sièges du gouvernement français entre 1800 et 1802. Aujourd’hui, ce monument historique fait l’objet d’une vaste campagne de restauration, initiée par le ministère de la Culture et pilotée par l’Oppic, sous la maîtrise d’œuvre de François Jeanneau, architecte en chef des monuments historiques, qui a succédé à Paul Barnoud.
Pourquoi ces travaux ?

Des études approfondies ont révélé d’importants problèmes d’étanchéité affectant les menuiseries, et d’important problèmes de remontées capillaires. L’humidité stagnante, due à la présence d’enduits inadaptés, fragilise les structures et altère la conservation des décors intérieurs. Face à cette situation, une intervention immédiate s’est imposée afin de préserver l’authenticité de ce patrimoine unique tout en améliorant ses performances énergétiques.
Une restauration en trois phases
La première phase de restauration du clos et couvert, achevée en janvier 2024, a concerné le massif nord. La seconde phase, lancée immédiatement après sur le massif sud, a été retardée par la découverte de charpentes dégradées et, ainsi que certains bois du 16e siècle, nécessitant des renforcements et des précautions particulières pour leur conservation.
Troisième phase : restauration du corps de logis et des annexes

Dernière étape du projet, la restauration du corps de logis central et de ses annexes a débuté en 2025. La couverture du corps central sera entièrement refaite, et la tente reconstruite à plusieurs reprises depuis l’époque de Joséphine, fera l’objet d’une restauration soignée pour retrouver son aspect d’origine.
Les travaux comprendront :
- La restauration de la couverture.
- La réfection des menuiseries avec l’installation d’un vitrage isolant et d’une résine anti-UV pour mieux préserver les intérieurs.
- La restauration des enduits de façade avec l’application d’un enduit plâtre, permettant de reproduire les modénatures et les faux-joints dans le respect des matériaux d’origine.
- La rénovation de la tente d’entrée, élément emblématique du château, afin de lui redonner son apparence historique.
Une restauration essentielle pour la préservation du patrimoine

La restauration du clos et couvert du château de Malmaison était indispensable, non seulement en raison des infiltrations dues à des couvertures mal entretenues, mais aussi parce que l’enduit posé en 1936 entravait la respiration des murs, favorisant les remontées capillaires et menaçant les décors peints de la salle à manger, témoins uniques des décors de l’époque consulaire. De plus, les huisseries, endommagées par un défaut d’entretien, n’assuraient plus leur rôle d’étanchéité. Face à ces risques pour la conservation des collections, il est devenu urgent d’engager une restauration complète.
Madame Caude, directrice des musées nationaux des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, de l’île d’Aix et de la Maison Bonaparte à Ajaccio, souligne l’importance de ces travaux : « Il n’est point besoin d’insister bien évidemment sur les risques induits pour la préservation des décors et la conservation des collections quand ceux-ci subissent un climat rendu incontrôlable par les défauts d’étanchéité ou des risques d’infiltration. Grâce à ces travaux d’isolation, le château de Malmaison pourra poursuivre sa réflexion, déjà engagée, sur la maîtrise raisonnée de ses consommations de fluides. »
Les défis du chantier : s’adapter aux contraintes du site occupé
Réaliser un chantier aussi ambitieux dans un lieu de la taille d’une maison de plaisance du XVIIIe siècle présente plusieurs défis. « Pour éviter une emprise trop importante sur le site, nous avons organisé les travaux en plusieurs phases, isolant progressivement les zones concernées. Cela nous a permis de maintenir l’accueil du public tout en optimisant l’efficacité des interventions. », explique Madame Caude.
Les travaux ont été répartis en trois grandes tranches, impactant successivement les deux ailes en retour avant d’atteindre le corps central. Cette organisation a permis de séparer visuellement et techniquement les zones affectées. Toutefois, la présence d’échafaudages, de palissades et de zones de stockage représentait un risque de pollution visuelle. « Nous avons opté pour des bâches trompe-l’œil, reproduisant fidèlement les façades, afin de préserver l’esthétique du site », précise Madame Caude.

Les nuisances sonores ont constitué une autre contrainte majeure, notamment lors du retrait de l’ancien enduit, épais de 8 à 9 cm. « Afin de minimiser ces désagréments, nous avons instauré des plages horaires strictes interdisant les interventions les plus bruyantes pendant les visites », ajoute-t-elle. L’obstruction temporaire de certaines fenêtres posait par ailleurs un problème de luminosité. Des filtres spécifiques ont donc été installés pour assurer un éclairage suffisant et maintenir le confort des visiteurs. Côté circulation, l’absence d’un parcours en boucle imposait une réorganisation des cheminements. « En collaboration avec le musée, nous avons adapté les itinéraires de visite et mis en place des déviations permettant de fluidifier le parcours », détaille Madame Caude. Des ajustements réguliers ont également été effectués afin de limiter l’impact de la poussière.

Pour faire face à ces défis, l’Oppic a adopté une approche progressive et ciblée des interventions, afin de déployer des solutions adaptées. Angélique Periere, chargée d’opérations au sein de l’Oppic, nous explique : « La restauration du château de Malmaison est un projet d’envergure, d’autant plus complexe qu’il s’effectue en site occupé. Nous avons mis en place des mesures rigoureuses pour garantir la sécurité des visiteurs et des équipes tout en préservant la qualité de la visite. L’installation de bâches décoratives sur les échafaudages atténue l’impact visuel des travaux, tandis que des contreplaqués protègent les zones de passage.
Par ailleurs, des sas étanches et translucides ont été disposés lors des interventions sur les menuiseries, permettant de réduire poussières et nuisances. L’intégration d’un éclairage par bandeaux LED compense la baisse temporaire de luminosité dans certaines pièces, garantissant un confort optimal pour les visiteurs. Toutes ces initiatives illustrent notre volonté de concilier préservation du patrimoine et accessibilité du site durant les travaux. »
Ainsi, tout a été mis en œuvre pour que la restauration du clos et couvert s’intègre harmonieusement à la vie du musée, conciliant préservation du patrimoine et accueil des visiteurs.
Une redécouverte de l’architecture de l’époque napoléonienne
Au-delà des enjeux techniques, la restauration a permis une réflexion approfondie sur l’identité architecturale du château et l’époque de référence à privilégier. L’étude des sources documentaires et iconographiques a conduit à une critique constructive.
François Jeanneau, architecte en chef des Monuments Historiques, souligne l’importance de ce chantier en matière de redécouverte des techniques de construction traditionnelles : « Commencés en septembre 2022, les travaux sur le château de La Malmaison auraient pu être tout à fait traditionnels et habituels sur un monument historique classé. Or ici, la spécificité de ce chantier fut, hormis les travaux de charpente, couverture et menuiserie, la suppression des enduits ciment très épais, réalisés lors de deux campagnes différentes à la fin du XIXe et dans la première moitié du XXe, pour leur remplacement par des enduits au plâtre. Il nous a fallu donc, le maître d’œuvre mais aussi l’entreprise de maçonnerie, redécouvrir ces techniques anciennes d’exécution pour les mettre en œuvre à La Malmaison. »
Pour revenir à un aspect plus fidèle à l’original, il a été décidé de traiter les joints des façades de manière plus subtile, en les creusant légèrement sur toute leur longueur, et d’appliquer des enduits lisses par endroits. Ce choix, inspiré par les sources historiques, donnera aux façades un nouveau rapport visuel, plus fidèle à leur apparence d’origine.

Outre la mise en œuvre de ces techniques traditionnelles, ce projet a permis une étude approfondie des matériaux, des teintes, des faux-joints et des mises en œuvre, tout en s’appuyant sur des exemples historiques similaires. « Les travaux de restauration que nous dirigeons sur nos monuments, modestes ou prestigieux, sont toujours une source de connaissance. La diversité et les particularismes régionaux et architecturaux de notre patrimoine monumental font la vraie richesse de notre métier », ajoute-t-il.
« C’est dans cette démarche de relecture du site selon les modèles architecturaux de l’époque que le musée s’inscrit pleinement : le visiteur disposera ainsi d’une cohérence stylistique entre l’extérieur et l’intérieur, entre la vision des façades et la déambulation à travers les restitutions historiques et les collections authentiques et précieuses de Malmaison, telles que la demeure fut vécue par l’impératrice Joséphine », conclut la directrice des musées nationaux des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, de l’île d’Aix et de la Maison Bonaparte à Ajaccio.
Une réhabilitation au service du patrimoine et de la performance énergétique

Le projet met en lumière l’harmonie entre la conservation des valeurs patrimoniales et l’amélioration des performances énergétiques du bâtiment. Les déperditions thermiques sont réduites grâce à l’isolation des combles et au remplacement des menuiseries, tout en veillant à conserver ou à restituer à l’identique les éléments architecturaux existants. L’utilisation d’un enduit plâtre permet une gestion optimisée des transferts hygrothermiques, contribuant ainsi à maintenir l’équilibre intérieur du château. De plus, l’installation de drains permet de limiter les remontées capillaires, assurant la protection des maçonneries anciennes. Le respect des matériaux et techniques traditionnelles reste au cœur de cette réhabilitation, avec le remplacement des enduits modernes par des enduits en plâtre, permettant ainsi au château de retrouver son équilibre hygrométrique. Cette approche garantit à la fois la pérennité du bâti et la mise en valeur de son caractère architectural unique.